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La saisie pénale immobilière

Au seul titre de l’année 2023, l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Saisis et Confisqués (AGRASC) enregistrait 731 saisies pénales immobilières. Ce chiffre est en constante augmentation depuis plusieurs années.

 

Qu’est-ce qui peut faire l’objet d’une saisie pénale immobilière ?

 

Tout bien immobilier, tel qu’un appartement, une maison, un hôtel ou un terrain sont susceptible de faire l’objet d’une saisie pénale immobilière.

 

La personne mise en cause, en d’autres termes celles à cause de laquelle le bien va être saisi pénalement, peut n’être que coindivisaire du bien avec d’autres propriétaires ou avoir la qualité de nu propriétaire ou d’usufruitier.

 

A quoi sert une saisie pénale immobilière ?

 

En pratique, en cas de saisie pénale sur un bien immobilier, l’autorité judiciaire entend s’assurer que la personne mise en cause ne profitera pas de la durée de la procédure pénale pour organiser son insolvabilité en vendant le bien à mettre le bien à l’abris d’une saisie en en transférant la propriété à un tiers interposé.

 

La saisie pénale immobilière a vocation à garantir l’exécution de la peine de confiscation qui pourrait être prononcée par la juridiction pénale en cas de condamnation.

 

Compte-tenu de sa nature patrimoniale et non probatoire, cette saisie ne signifie nullement que le juge pénal qui l’a pratiquée estime qu’il y aurait un lien entre le bien immobilier et les faits reprochés. Cela peut être le cas, par exemple lorsque le bien est supposé avoir servi à commettre l’infraction de proxénétisme hôtelier.

 

Quelle est la procédure de saisie pénale immobilière ?

 

Lorsqu’un bien est considéré comme susceptible de faire l’objet d’une confiscation, la saisie pénale est décidée par le juge des libertés et de la détention saisi par requête du procureur de la République au cours de l’enquête ou par le juge d’instruction au cours de l’information judiciaire.

 

La décision prend la forme d’une ordonnance de saisie pénale immobilière qui comporte notamment la motivation du juge et la désignation de l’immeuble concerné. Le bien est désigné par son adresse, sa nature, ses références cadastrales et l’identité complète du ou des propriétaires, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales.

 

Un bien immobilier peut-il être saisi alors qu’il est la propriété d’un tiers non mis en cause dans la procédure pénale ?

 

Le tiers peut être propriétaire de la totalité du bien saisi. Il en ira ainsi lorsque le bien immobilier sera considéré comme l’objet ou le produit, direct ou indirect, en nature, de l’infraction poursuivie ou lorsque le bien sera considéré étant à la libre disposition du mis en cause, c’est-à-dire lorsqu’il sera considéré que ce dernier est le véritable propriétaire économique du bien. Dans les deux hypothèses, la saisie pénale immobilière est subordonnée à la démonstration de la mauvaise foi du tiers propriétaire.

 

Lorsque le bien immeuble n’est ni le produit ni l’objet de l’infraction, la juridiction se doit de caractériser la libre disposition du bien par la personne mise en cause. Cette notion désigne le fait pour la personne mise en cause de disposer, en dépit des apparences juridiques, de la propriété économique réelle du bien.

 

Quant à la bonne foi du propriétaire, elle se présume, même si le bien est l’objet ou le produit de l’infraction.

 

La mauvaise foi est établie dès lors que le tiers sait qu’il ne dispose que d’une propriété juridique apparente, autrement dit s’il sait n’être qu’un propriétaire de paille.

 

Le tiers peut n’être propriétaire que d’une quote-part du bien immobilier ou d’un droit démembré. Tel sera le cas si deux coindivisaires sont propriétaires du bien alors qu’un seul est mis en cause pénalement ou si le suspect est par exemple nu propriétaire tandis que le tiers non poursuivi est usufruitier.

 

Dans le cas d’un démembrement, seul le droit réel confiscable, c’est-à-dire celui appartenant à la personne mise en cause, peut être saisi.

 

Le tiers dont la quote-part ou le droit démembré a été saisi est recevable à interjeter appel de l’ordonnance de saisie pénale immobilière ou à former des demandes de restitution au procureur de la République, au juge d’instruction ou, lors de la phase de jugement, au tribunal correctionnel.

 

La loi prévoit que jusqu’à la mainlevée de la saisie pénale de l’immeuble ou la confiscation de celui-ci, la saisie porte sur la valeur totale de l’immeuble.

 

Quels sont les principaux effets de la saisie pénale immobilière ?

 

Elle emporte indisponibilité juridique du bien, ce qui a pour conséquence d’en interdire l’aliénation, qu’il s’agisse d’une vente ou d’une donation, et la destruction.

 

La saisie pénale est mentionnée sur la fiche immeuble au service de la publicité foncière de sorte qu’un notaire serait nécessairement informé de l’impossibilité de procéder à la vente immobilière et refuserait d’y apporter son concours.

 

En revanche, la saisie pénale immobilière n’affecte ni le droit d’occuper le bien, ni de bénéficier des loyers y afférents.

 

Quels sont les effets de la saisie pénale immobilière à l’égard des tiers non propriétaires ?

 

S’agissant du tiers acquéreur, la publication de la décision de saisie pénale immobilière rend celle-ci opposable aux tiers, de sorte qu’une vente postérieure n’aurait aucun effet car elle serait

inopposable à l’Etat. En principe, cette situation est impossible dès lors que le notaire refuserait de passer la vente.

 

Néanmoins, il peut arriver que la cession d’un bien immobilier soit conclue avant la publication de la saisie pénale au service de la publicité foncière (ex-conservation des hypothèques) mais publiée après cette publication. Dans ce cas, le juge compétent peut autoriser la cession avec report de la saisie pénale sur le prix de vente lorsque les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies : le maintien de la saisie du bien en la forme n’est pas nécessaire ; la vente n’apparaît pas frauduleuse. Le solde du prix est alors consigné dans l’attente du jugement, après désintéressement des créanciers titulaires d’une sûreté ayant pris rang antérieurement à la date à laquelle la saisie pénale est devenue opposable. Il en ira par exemple ainsi de la banque qui avait fait inscrire une hypothèque sur le bien antérieurement à la saisie pénale immobilière.

 

S’agissant du tiers créancier, le seul fait de disposer d’une créance à l’encontre du propriétaire d’un bien immobilier ne confère aucun droit particulier en cas de saisie pénale. En revanche, le créancier titulaire d’un privilège ou d’une hypothèque inscrite antérieurement à la saisie pénale immobilière sera nécessairement désintéressé au moment de la vente du bien immobilier, soit au cours de la procédure, soit dans le cadre de l’exécution de la peine de confiscation. En d’autres termes, l’existence d’une saisie pénale ne modifie pas l’ordre des inscriptions de sorte que les créanciers inscrits antérieurement sont protégés des effets que pourrait entraîner la confiscation sur le patrimoine du débiteur. En revanche, les inscriptions postérieures n’ont aucun effet en cas de confiscation et retrouvent leur plein effet en cas de mainlevée.

 

La saisie pénale immobilière a pour effet d’interdire l’engagement ou de suspendre toute procédure civile d’exécution. Le juge compétent peut néanmoins autoriser l’engagement ou la reprise d’une telle procédure.

 

S’agissant du tiers locataire, sauf à ce que l’ordonnance de saisie pénale immobilière soit doublée d’une ordonnance de saisie pénale de créances de loyers, le locataire ne sera pas informé de l’existence d’une saisie pénale et continuera normalement de régler son loyer au propriétaire. La saisie pénale immobilière ne peut aucune atteinte au droit de jouissance ni aux droits d’exploitation du locataire qui dispose du droit de se maintenir dans les lieux.

 

Dans ces conditions, le locataire, l’occupant ou l’exploitant d’un bien immobilier n’est pas recevable à contester l’ordonnance de saisie pénale immobilière, sauf à démontrer qu’elle lui causerait un trouble de jouissance.

 

Si la décision de confiscation, qui est une peine qui ne peut être prononcée que par une juridiction de jugement, vaut titre d’expulsion à l’encontre de la personne condamnée, elle ne dispose pas de cet effet à l’encontre du locataire de bonne foi.

 

Un bien immobilier peut-il être vendu malgré la saisie pénale ?

 

En principe, la vente d’un bien immobilier saisi pénalement constitue un délit.

 

Néanmoins, le mécanisme précédemment décrit à propos de la vente conclue avant la publication de la saisie pénale et publiée après est applicable, aux mêmes conditions, à toute vente immobilière au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire. Ainsi, le juge compétent peut-il autoriser la vente avec report de la saisie pénale sur le prix de vente après désintéressement des créanciers inscrits.

 

Par ailleurs, le magistrat compétent peut autoriser l’aliénation par anticipation du bien immobilier lorsque les frais de conservation de l’immeuble sont disproportionnés par rapport à sa valeur en l’état. La décision est susceptible de recours et le prix de vente est consigné dans l’attente du jugement.

 

L’ordonnance de saisie pénale immobilière est-elle susceptible de recours ? 

 

L’ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire et s’ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien. Il est possible de faire appel de cette décision devant la chambre de l’instruction.

 

Le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance qui correspond à la date d’envoi de celle-ci et non à la date de réception.

 

La date d’expédition résulte de la mention portée par le greffier sur l’ordonnance lors de la mise sous pli ou du cachet de la poste apposé lors de la remise effective du pli recommandé à ce service.

 

L’appel n’a pas d’effet suspensif. Ainsi, le bien demeurera sous main de justice pendant le délai d’audiencement sauf à ce qu’une mainlevée du bien soit décidée entre temps par le Ministère public ou le juge d’instruction.

 

Comment se déroule l’audience devant la chambre de l’instruction ?

 

Devant la chambre de l’instruction, l’appelant ne peut prétendre à l’obtention de l’intégralité de la procédure pénale au cours de laquelle a été réalisée la saisie.

 

Ne lui seront communiquées que les pièces se rapportant à la saisie, ce qui inclut la requête du ministère public et peut également inclure des procès-verbaux de synthèse, des auditions de garde à vue, des retranscriptions d’écoutes téléphoniques, des investigations patrimoniales, les notes d’information TRACFIN, des rapports de l’URSSAF, de l’inspection du travail ou de l’administration fiscale… La chambre de l’instruction peut, avant-dire droit, ordonner au Parquet général la communication de toutes pièces qu’elle estime nécessaires à la résolution du litige, qui comprennent les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles la juridiction se fonde pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires.

 

Il existe de nombreux moyens de contester la saisie pénale immobilière, notamment en arguant du caractère non-confiscable du bien saisi, de l’absence d’indices de commission de l’infraction ou encore de la violation du principe de proportionnalité vis-à-vis du droit à la propriété ou du droit au respect à la vie privée et familiale.

 

Peut-on demander la mainlevée de la saisie pénale immobilière en dehors d’un appel de l’ordonnance initiale ?

 

Lorsque le propriétaire du bien saisi pénalement n’a pas interjeté appel de l’ordonnance de saisie pénale immobilière ou que la chambre de l’instruction de la cour d’appel, saisie d’un recours, a confirmé l’ordonnance, la mainlevée de la saisie pénale immobilière peut être sollicitée ultérieurement au cours de l’enquête, de l’information judiciaire ou durant la phase de jugement.

 

La confirmation de l’ordonnance de saisie pénale immobilière par la chambre de l’instruction ou le défaut d’appel dans le délai légal n’induit en effet pas le transfert de propriété du bien à l’Etat. Seule la peine de confiscation, prononcée définitivement par une juridiction de jugement, procède d’un tel effet.

 

Ainsi sera-t-il possible de contester le bien-fondé de la saisie immobilière et d’en solliciter mainlevée avant la phase de jugement, par une autre voie procédurale : la requête en restitution.

 

Au stade de l’enquête préliminaire, la requête est soumise au procureur de la République tandis que le magistrat compétent est le juge d’instruction au cours de l’information judiciaire.

 

En cas de décision de refus de restitution ou d’absence de décision dans un délai d’un mois par le juge d’instruction ou de deux mois par le procureur de la République, le président de la chambre de l’instruction peut être saisi d’un recours.

 

Que faire lorsque le bien immobilier est toujours saisi pénalement lors de la phase de jugement ?

 

Lorsque le bien immobilier demeure saisi pénalement lors de la phase de jugement, la mainlevée doit être sollicitée auprès du tribunal correctionnel ou de la cour d’assises.

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