A quoi sert une saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire ou d'actifs numériques ?
L'autorité judiciaire entend parer la possibilité pour la personne mise en cause d'organiser son insolvabilité. La mise en place de procédures rapides de saisie des sommes inscrites au crédit d’un compte bancaire ou d’actifs numériques est généralement justifiée par la volatilité de ces fonds ou actifs.
Ainsi, il est aujourd'hui possible de saisir toute somme d'argent inscrites sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, de paiement ou d'actifs numériques, ainsi que tout bien ou droit incorporel.
Les saisies pénales ont vocation à garantir l'exécution de la peine de confiscation qui pourrait être prononcée par la juridiction pénale en cas de condamnation.
Compte tenu de sa nature patrimoniale et non probatoire, cette saisie ne signifie nullement que le magistrat qui l'a ordonnée estime qu'il existe un lien entre les biens saisis et les faits reprochés. Les sommes ou actifs peuvent donc être considérés comme l’instrument, l’objet ou le produit de l’infraction par l’autorité judiciaire ou n’être saisis que pour leur valeur.
Les cryptomonnaies peuvent-elles faire l'objet d'une saisie pénale ?
Il est possible de saisir tout bien ou droit incorporel ainsi que des actifs numériques, en ce compris les cryptomonnaies.
Ces derniers sont définis à l'article L.54-10-1 du code monétaire et financier. Ils désignent d'une part "1° Les jetons mentionnés à l'article L. 552-2, à l'exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l'article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l'article L. 223-1" et, d'autre part, "2° Toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».
La cryptomonnaie est un actif numérique. Il s'agit d'unités virtuelles sans forme physique qui peuvent être échangées de gré à gré sur un système décentralisé : la blockchain. Celles-ci suivent un cours et par cet aspect s'apparentent à un titre financier. Leur valeur se détermine en fonction de l'offre et de la demande.
Quelle est la procédure pour ces saisies ?
Plusieurs fondements permettent de saisir des sommes versées sur un compte bancaire ou des cryptomonnaies.
Le premier, aux termes de l'article 706-153 du code de procédure pénale, permet au juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République au cours de l’enquête, ou au juge d’instruction en cas d’ouverture d’une information judiciaire, d'ordonner la saisie des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par la loi.
Le second, aux termes de l'article 706-154, permet à un officier de police judiciaire de procéder à la saisie par procès-verbal d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts, de paiement ou d'actifs numériques.
Dans ce dernier cas, la saisie doit observer plusieurs conditions à peine de nullité. Elle doit être autorisée, par tout moyen, par le magistrat. Cette saisie fera l'objet d'un contrôle juridictionnel a posteriori.
En effet, dans un délai de dix jours suivant la saisie et sur requête du procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, dans le cadre d'une enquête, ou le juge d'instruction, dans le cadre d'une information judiciaire, devra ordonner le maintien de la saisie ou sa mainlevée.
L'ordonnance de saisie doit également observer certaines règles de forme. Ainsi, elle devra désigner avec précision les comptes bancaires visés par la mesure ainsi que le montant des sommes d'argent saisies. Ces conditions sont essentielles puisqu'elles permettent le contrôle, d'une part, de la confiscabilité des sommes saisis et, d'autre part, du caractère proportionné de la mesure.
Concernant les actifs numériques, il convient de préciser que ceux-ci n'ont pas la nature d'une somme d'argent et partant, ne sauraient être saisis pour un montant déterminé. Dès lors, la saisie porte ici sur un nombre d'actifs et non sur leur valeur monétaire au jour de la saisie. Ainsi, l'ordonnance afférente devra mentionner la nature, le nombre et le propriétaire des actifs saisis.
Est-il normal de constater une saisie pénale sur un compte bancaire sans en avoir été officiellement informé ?
Lorsqu’est utilisée la procédure de l’article 706-154 du Code de procédure pénale, la saisie précède de plusieurs jours la notification de l’ordonnance de maintien susceptible d’appel. Pendant ce délai, la personne dont le compte est saisi constate celle-ci en consultant son compte bancaire mais n’en connaîtra les motifs qu’à réception de l’ordonnance de maintien rendue par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction.
Quelle est la procédure en cas de saisie de sommes versées sur un compte bancaire ouvert à l'étranger ou d'actifs numériques gérés par une plateforme d'échange située à l'étranger ?
En raison du principe de souveraineté des Etats, l'officier de police judiciaire ne pourra procéder à une saisie de sommes versées sur un compte bancaire étranger ou d'actifs numériques gérés par une plateforme d'échange située à l'étranger.
En effet, seul le juge des libertés et de la détention, dans le cadre d’une enquête préliminaire, ou le juge d'instruction, dans le cadre d’une information judiciaire, aura compétence pour le faire. Celui-ci devra, impérativement, se fonder sur l'article 706-153 du code de procédure pénale qui permet la saisie pénale de biens et droits incorporels.
Puis, le magistrat mandant devra solliciter l'exécution de sa décision auprès de l'autorité judiciaire étrangère au moyen d'une demande d'entraide pénale internationale. Les autorités judiciaires étrangères pourront décider d'exécuter ou non cette décision de saisie pénale.
Quels sont les effets principaux de ces saisies ?
Elles emportent l'indisponibilité juridique des sommes ou actifs saisis, ce qui a pour conséquence d'en interdire la libre disposition, à savoir de vendre le bien, le donner ou le détruire.
En outre, dans notre cas, la saisie emporte également une indisponibilité matérielle des sommes et actifs numériques.
En effet, les sommes versées sur un compte bancaire seront consignées sur le compte bancaire de l'AGRASC tenu par la Caisse des Dépôts et de consignation. Les actifs numériques seront quant à eux transférés sur un portefeuille numérique de l'AGRASC correspondant à la nature de l'actif saisi.
Le transfert des biens et droits saisis doit être effectué par les établissements ou plateformes concernées.
Concernant les comptes à terme, la loi prévoit que les saisies pénales de créances conditionnelles ou à termes ne peuvent entraîner la consignation des fonds sur le compte de l'AGRASC que lorsque celles-ci deviennent exigibles.
En revanche, la saisie pénale n'emporte pas transfert de propriété de l'État, contrairement à la peine de confiscation. Les sommes et actifs sont donc susceptibles de restitution tout au long de la procédure et jusqu’au jugement définitif de l’affaire.
L'ordonnance de saisie pénale est-elle susceptible de recours ?
L'ordonnance de saisie ou de maintien de la saisie est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien, du droit saisi, de l'actif numérique ou au titulaire du compte et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits dessus.
Lorsque l'ordonnance est prononcée sur le fondement de l'article 706-153 ou de l’article 706-154 du code de procédure pénale, il pourra être fait appel de celle-ci par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision.
En tout état de cause, l'appel n'est pas suspensif. En d'autres termes, le bien demeurera sous main de justice pendant le délai d’audiencement sauf à ce qu’une mainlevée du bien soit ordonnée entre temps par le Ministère public ou le juge d’instruction.
Comment se déroule l'audience devant la chambre de l'instruction ?
Devant la chambre de l’instruction, l’appelant ne peut prétendre à l’obtention de l’intégralité des pièces de la procédure pénale au cours de laquelle a été réalisée la saisie.
Seules les pièces se rapportant à la saisie lui seront communiquées. Cela inclut la requête du ministère public, éventuellement des procès-verbaux de synthèse, des auditions de garde à vue, des retranscriptions d’écoutes téléphoniques, des investigations patrimoniales, les notes d’information TRACFIN, des rapports de l’URSSAF, de l’inspection du travail ou de l’administration fiscale…
La chambre de l’instruction peut, avant-dire droit, ordonner au Parquet général la communication de toutes pièces qu’elle estime nécessaires à la résolution du litige, qui comprennent les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles la juridiction se fonde pour justifier la mesure dans ses motifs décisoires.
Il existe de nombreux moyens de contester la saisie pénale de sommes versées sur un compte bancaire ou d'actifs numériques, notamment en arguant du caractère non-confiscable du bien saisi, de l’absence d’indices de commission de l’infraction, de la violation du principe d'équivalence ou encore du principe de proportionnalité au regard du droit à la propriété.
Peut-on demander la mainlevée de la saisie pénale immobilière en dehors d’un appel de l’ordonnance initiale ?
Il est possible que la personne concernée n’ait pas interjeté appel de l’ordonnance de saisie pénale ou que la chambre de l’instruction de la cour d’appel, saisie d’un recours, ait confirmé l’ordonnance et donc rejeté le recours.
Pour autant, il reste possible de solliciter la mainlevée de la saisie pénale et les restitutions des fonds ou des actifs numériques ultérieurement au cours de l’enquête, de l’information judiciaire ou durant la phase de jugement.
En effet, une requête en mainlevée est recevable à toutes les étapes de la procédure malgré le rejet de l’appel initial ou l’absence de recours sur l’ordonnance initiale.
La requête est soumise, dans le cadre de l'enquête préliminaire, au procureur de la République et, dans le cadre de l'information judiciaire, au juge d’instruction.
En cas de décision de refus de restitution ou d’absence de décision dans un délai d’un mois par le juge d’instruction ou de deux mois par le procureur de la République, le président de la chambre de l’instruction peut être saisi d’un recours.
Que faire lorsque les sommes ou actifs numériques sont toujours saisis pénalement lors de la phase de jugement ?
Lorsque les biens saisis pénalement lors de la phase de jugement, la mainlevée doit être sollicitée auprès du tribunal correctionnel ou de la cour d’assises.
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